TEMOIGNAGE 5 de Pierre GUY
Pierre GUY
pierre.guy0442@orange.fr le 18 février 2011
Mon cher Jean-Pierre, je m’appelle Pierre Guy, je me souviens très bien de toi. J’ai aussi passé 13 ans de ma vie au collège Franklin ( Saint-Louis de Gonzague ) à Paris. J’ai 67 ans. Et j’ai passé cinq ans de ma vie au petit collège, rue Louis David, de la 11ème à la 7ème. Je ne me souviens pas des dates exactes, il faudrait que je recherche sur de vieux documents. Je sais que j’avais 9ans en 9ème. ( J’appartiens à la promo 61 ).
Et c’est parce que tu as écrit ceci :
« C’est pourquoi je me permets de m’adresser à vous pour que vous me disiez si vous avez ou non vécu ce genre d’expérience avec ce père. Si vous l’avez vécu, je vous en prie, exprimez vous, ne gardez pas enfouie cette souffrance, vous n’aurez sans doute pas beaucoup d’autre occasion de le faire.
Et sinon, s’il vous plait, dîtes le moi simplement »,
que j’ai décidé de t’envoyer mes impressions d’enfance.
J’ai bien sûr très bien connu le Père Lamande qui était le père spirituel du petit collège. Je me souviens de la liturgie à la chapelle, très adaptée aux enfants que nous étions. Nous avions aussi droit, dans la chapelle à des concerts et à des cérémonies un peu plus profanes, scènettes et chansons données par les élèves, supervisées par Mr Louis Prudhomme et Mr Van Der Meulen.
Moi je me souviens bien des rendez-vous auprès du Père Lamande, dans son bureau, pour ce que j’appellerais aujourd’hui « l’initiation à la confession ». Les rideaux étaient tirés, une lumière douce éclairait un point de la pièce. Le Père lamande me prenait dans ses bras, me berçait doucement et me parlait de Dieu, me disait que Dieu m’aimait et que je devais être un gentil garçon, ne pas faire de peine à mes camarades , ni à mes parents, que si je leur faisais de la peine, je devais le lui dire. Et à la fin, il me disait que Dieu m’avait pardonné ce que j’avais fait quand j’avais mauvais caractère. Puis l’entretien était terminé et je retournai dans ma classe.
Je dois reonnaître que j’étais très surpris de son comportement, me prendre dans ses bras et me câliner comme un enfant, cela me paraissait normal et même désirable de la part de ma mère. Mais de la part d’un homme ? J’étais très gèné, en fait. Mais j’étais là pour Dieu et non pour le Père. En fait, le comportement du Père Lamande envers moi n’est jamais allé au delà. Il n’y a pas eu d’attoucheemnts sexuels. Et puis, dès l’age de huit ans c’est normalement à genoux sur un prioie-dieu en velours rouge que se faisait la confession. Et le Père Clère a remplacé le Père Lamande à partir de la neuvième, le Père Lamande ne s’occupant plus que des 10èmes et 11èmes.
Bien sûr, je n’ai jamais parlé de cela à mes parents ni à personne. Une sorte de pudeur m’en empêchait. On appelle cela aujourd’hui un tabou. Mais la rumeur existait déjà au petit collège que le Père Lamande aimait les petits garçons.
Je n’ai pas participé au camp de Compiègne. Nous étions sept enfants à la maison, et nous passions nos vacances en famille. Et le camp de Compiègne m’apparaissait à l’époque comme un camp réservé à des enfants choisis, à une élite.
Je me souviens aussi du train électrique, mais comme d’une récompense réservée à sertains seulement. Et je n’y ai jamais été invité.
Nous étions sept enfants à la maison. Je suis l’avant dernier. A cette époque l’éducation que je recevais était assez rigide, presque « paramilitaire », mon père étant très porté sur le sens de la discipline, du moins en ce qui concernait les garçons, et nous étions cinq garçons.
Mon père était un ancien de Franklin. A cette même époque nous étions tous élèves de Franklin, sauf Edouard, le « petit dernier », encore trop petit pour intégrer le petit collège.
De plus, mon père était très amis avec le surveillant général du Grand Collège ( j’ai oublié son nom ), en particulier parce que tous les deux cultivaient ensemble leur passion pour la littérature anglaise.
Et mon frère ainé, François, en pleine adolescence et en pleine révolte, était connu au grand collège pour son indiscipline, son esprit de révolte et sa façon de dire tout haut ce qu’il pensait. Et quand je rentrais à la maison, le soir, il se moquait de moi et me disait ; « qu’est-ce qu’il t’a fait, hein, le père Lamande ? Il t’emmène dans son bureau ? Qu’est-ce qu’il te fait ? Il riait et moi je gardais confusément le silence.
Pour toutes ces raisons, je crois que j’ai été protégé, indirectement, par ma famille et sa position proche du « pouvoir » et aussi par son poids, quatre enfants fils d’ancien et dont l’ainé était fort remuant. Le père Lamande, sans doute prudent, et intelligent, ne s’est jamais « attaqué » à moi. C’est du moins comme cela que je vois les choses aujourd’hui.
Pourtant, quant à moi, je ne ressemblais pas du tout à mon grand frère, j’étais très réservé, extrêmement timide et effaçé. Ma seule qualité alors était mon sourire et mon côté bon élève. Tu vois le genre.
Voilà ce que je peux te dire, si longtemps après, mais ces souvenirs sont encore si présents en moi, par le trouble qu’ils y ont créé, que je te les raconte sans crainte de me tromper.
Quant au père Debains, je pense que les tabous étaient encore très forts dans l’Eglise, à cette époque et la « hiérarchie » se refermait sur sa seule défense possible qui passait par le secret de la confession et l’adage qui veut que l’on lave son linge sale en famille. En revanche l’attitude du père JP Lamy me parait plus ouverte et plus sage.
Voilà ce que je peux te dire pour répondre à tes interrogations. Pour moi, je suis convaincu qu’il y a eu d’autres garçons encore qui ont vécu ce que tu as subi. Mais ils n’ont peut-être pas tous été effectivement contacté, ou bien ont préféré ne pas répondre.
J’ai eu d’autres confidences, celles d’un ami qui s’est plaint de la même agression que toi , mais dans un autre collège, à Dole, dans le Jura.
Ce qui m’étonne c’est l’absence de mise au point officielle de la hiérarchie du collège sur ces évènements. Mais comment devraient-ils faire ? Et il y a si longtemps. Et tout cela est une très mauvaise publicité pour l’Eglise aujourd’hui. Que faire et comment faut-il le faire ?
Je pense que ce genre de comportements ont été très fréquents dans le monde, partout où l’on a mis ensembles des enfants pensionnaires et des hommes, prêtres ou non mais à qui l’on a donné un rôle d’animateur ou de surveillant, dans un contexte de célibat et de chasteté. L’Eglise en particulier a encore beaucoup à faire sur ce terrain pour se rénover...
Je ne suis l’avocat de personne, mais je voulais te répondre ce que je pensais après que tu aies décidé de raconter ce qui t’est arrivé, et il faut du courage pour le faire.
Je t’adresse toute mon amitié.
Pierre GUY
Ps. Si je réponds maintenant, c’est parce que j’ai changé d’adresse mail il y a un peu plus de deux ans et que je vais encore parfois sur mon ancien site pour ne pas passer à côté de messages qui m’y attendraient. Je t’ai mis en en-tête toutes mes coordonnées.