TÉMOIGNAGE 24 anonyme
J'ai lu un article dans le Figaro et j'ai trouvé votre blog par Google en tapant « père Lamande Fanklin ». Je suis né en 1960 et j'ai été au petit collège de Franklin de la 11ème à la 7ème (1965-1970).
Mon expérience a été la même que celles décrites dans d'autres témoignages sur votre blog: invitation au club du père Lamande le soir après les classes; démonstration du train (magnifique!); invitations à venir se "confesser" dans son bureau: assis sur les genoux du père Lamande; échange de bisous ("embrasses moi...") et de quelques caresses sur les cuisses à travers mon pantalon.
Je me souviens de trois groupes de garçons: (1) ceux qui n’étaient pas invités dans son bureau; (2) un plus petit groupe (dont moi) qui étaient invités à venir de temps en temps dans son bureau, à s’assoir sur ses genoux et à l’embrasser ; (3) un ou deux garçons qui avaient la réputation d’être ses favoris et qui allaient plus souvent dans son bureau – on pensait qu’ils faisaient « plus de choses » mais on ne savait pas quoi.
Quant à moi, je n'ai pas de souvenir d'attouchement sous mes vêtements. Le comportement du père Lamande me gênait un peu mais je ne crois pas en avoir été traumatisé. J’aimais son train et les livres de son club et j’y allais souvent. J’avais raconté à mes parents ce qui se passait et ça les amusait plus que ça ne les inquiétait. Ma mère est encore vivante (87 ans) et quand je lui ai reparlé de ces histoires d’il y a presque 50 ans, elle m’a dit que « toutes les mères savaient que le père Lamande aimait les petits garçons et elles en parlaient entre elles et en riaient pendant leurs parties de bridge. Elles n’ont pas agi parce qu’elles ne pensaient pas que ça allait plus loin que des baisers « chastes » et le père Lamande avait la réputation d’avoir des protections hautes placées.
Je pense que comme toutes les institutions, l’église catholique a un réflexe d’auto-défense et elle préfère minimiser le problème des prêtres pédophiles. C’est en partie parce que ce problème continue de nos jours et qu’il n’est pas évitable tant que le célibat est exigé des prêtres. La hiérarchie catholique nie tout lien de causalité entre le célibat des prêtres et la pédophilie. Ce n’est pas le célibat qui pousse à la pédophilie mais le célibat qui attire les pédophiles potentiels : des adolescents intelligents et pieux découvrent qu’ils sont pédophiles et sont dégoutés par leurs désirs sexuels. Ils cherchent à refouler leurs désirs en devenant prêtres et en se promettant de rester chastes. Malheureusement, quand ils se trouvent en présence de jeunes enfants, ils craquent et passent à l’acte. Ce n’est donc pas surprenant que la proportion des pédophiles parmi les prêtres catholiques soit plus élevée que parmi les pasteurs protestant, popes orthodoxes ou les rabbins juifs (qui peuvent tous se marier). A nouveau, l’église nie cela. Il est très difficile d’estimer la proportion exacte des prêtres qui sont pédophiles. En juillet 2014, le pape Francis (plus honnête que ses prédécesseurs) a déclaré que 2% des prêtres étaient pédophiles (https://www.washingtonpost.com/local/some-say-popes-reported-claim-that-2-percent-of-priests-are-pedophiles-is-low/2014/07/14/c61733a4-0b5e-11e4-b8e5-d0de80767fc2_story.html) et la hiérarchie catholique dit que cette proportion est la même parmi les membres du clergé des autres religions ou parmi la population générale (http://www.catholiceducation.org/en/controversy/common-misconceptions/9-myths-about-priestly-pedophilia.html). Mais la plupart des victimes ont honte et ne se plaigne pas donc la plupart des prêtres pédophiles ne sont jamais identifiés. Le père Lamande est un exemple parfait : on peut estimer qu’il a abusé impunément au moins 10 enfants par an pendant plus de 30 ans et pourtant, des décennies après, la plupart de ses victimes préfèrent oublier. Il n’est donc pas compter parmi les 2%... Aux Etats-Unis, les 6,258 prêtres pédophiles révélés par les évêques représentent 5.9% des prêtres en exercice entre 1950 et 2002. Si on se base sur les évêchés (comme Boston) ou les enquêtes ont été les plus poussées (à cause des procès en partie civile), la proportion des prêtres accusés de pédophilie dépasse 10% (http://www.bishop-accountability.org), soit à peu près 10 fois la proportion dans la population générale. On comprend pourquoi l’église préfère enterrer le problème (par exemple en disant que c’est un problème spécial aux Etats-Unis mais pas en Europe).