réponse d'un camarade de Franklin
Bonjour
J'ai lu très attentivement ton mail et je suis allé consulter le blog que tu cites en fin de texte.
En tant que psychiatre, ayant suivi des formations concernant les problèmes tant pour les victimes d'agressions sexuelles que chez les agresseurs sexuels, je ne suis pas étonné des difficultés que tu as rencontrées.
En effet, c'est un réflexe quasi constant que des institutions aient du mal à traiter ce genre de problématique et le plus souvent tentent de protéger leur image plutôt que de soutenir les victimes. Que la Congrégation noie le poisson n'est malheureusement qu'une réaction classique, même encore actuellement, malgré les engagements du pape et diverses émission radiophoniques ou télévisuelles, comme celle qui est passée il y a deux ou trois ans, sur ce problème au sein de l'église.
C'est une réaction paradoxale ; car tôt ou tard elle retombe sur l'institution, à la manière d'une bombe à retardement et au lieu de protéger, elle en aggrave l'image.
Sur le blog, il est dit que les agissements de ce prêtre devaient être connus de l'institution. Je ne suis pas si sûr de cela, sauf depuis que tu en as fait la révélation bien sûr.
En règle générale, un agresseur sexuel, pédophile ou non, agit incognito pour lui-même (sauf s'il est en réseau) et ses déviances peuvent passer inaperçues pendant de nombreuses années, sans que cela se sache. S'il advenait qu'un des ses collègues le découvre, le plus souvent soit il ne reconnaissait pas ce qu'il avait vu ou entendu, soit il le gardait pour lui et le passait sous silence ; et s'il avait dû en parler à un supérieur, celui-ci se serait très probablement contenter de sermonner le prêtre et ne rien faire d'autre, sinon d'inciter au silence ; de même si un enfant l'évoquait, sa parole, surtout il y a 50 ans, n'aurait pas été crue, dans la majorité des cas.
En ce qui concerne l'hypothèse que le célibat des prêtres puisse être un facteur incitatif d'agressions sexuelles sur mineurs, je pense qu'elle ne relève que de la rationalité toute cartésienne et non de la réalité ; car les agresseurs sexuels se recrutent autant sinon plus chez les gens en couple que chez les célibataires. Si le célibat devait stimuler les hormones de nos religieux, en quoi pourrait-il les orienter vers des mineurs plutôt que des adultes. Les agressions sexuelles sur mineurs en réalité constituent des déviances personnelles, propres aux deux sexes, quel que soit le statut social des déviants. Les problématiques varient d'un individu à un autre. Bien évidemment elles se retrouvent plus souvent dans les institutions s'occupant d'enfants, puisque ces individus, soit ont une attirance particulière pour les mineurs, quand ils sont pédophiles, soit ils opèrent chez des enfants, le plus souvent par difficultés pour séduire un(e)adulte, un enfant leur paraissant plus abordable pour différentes raisons personnelles, sans qu'il y ait un attrait particulier pour le jeune âge ; ce qui est comme même la majorité des agresseurs sexuels.
Pour ma part, en tant que fils de professeur, je n'en ai jamais entend parler et n'aurait pas soupçonné ce prêtre, avant ton 1er mail.
En tous cas, je soutiens tout fait ta démarche et je pense que c'est par des interventions comme la tienne que les choses peuvent avancer ; certes plus lentement qu'on ne le souhaiterait et je ne suis guère surpris, et en même temps consterné, de la résistance persistante de l'Eglise, et de la Congrégation au passage, pensant que le caractère poussé à l'intellectualisme des jésuites leur permettrait de mieux répondre à cette problématique. Malheureusement l'intelligence ne suffit pas pour comprendre les paradoxes qui sous-tendent la problématique d'agression sexuelle sur mineurs. C'est grâce à des formations que j'ai pu en découvrir les particularités, m'évitant quelques erreurs d'appréciation, comme j'ai pu l'observer chez certains confrères médecins. Rappelons au passage l'erreur monumentale d'un psychiatre célèbre et non des moindres : Sigmund FREUD, qui a fait beaucoup de dégâts dans la profession avec sa théorie des pulsions, au lieu de reconnaître ce que Ferencsi lui rappelait en vain, à savoir la réalité et la fréquence de ces déviances dans la bonne société bourgeoise de Vienne.
Je suivrai donc ta demande, en contactant les organismes que tu cites. Je vais réfléchir aux textes à leur envoyer. Peut-être peux-tu préciser quelques notions que tu souhaiterais que je soutienne plus particulièrement ?
Bon courage. Bien amicalement.
Thierry LOLOUM.