du socius
Cher Monsieur,
J’ai bien reçu vos différents courriels et je commencerai par une suggestion : comme vous m’interpellez régulièrement et que ce message suscitera d’autres questions de votre part, ne serait-il pas bon que nous nous rencontrions ? Selon vos disponibilités et vos passages éventuels à Paris, nous pourrions convenir d’une date dans les prochaines semaines.
Sans attendre ce rendez-vous, je réponds à vos demandes de précision :
- Vous m’avez interrogé plusieurs fois sur les archives du P. Lamande et les raisons de son départ du Collège de Franklin. Je suis allé récemment consulter moi-même ces archives. Cela m’a donné des éléments sur la personnalité de Gilbert Lamande. Je pourrais vous en décrire certains aspects. Toutefois je dois (comme mon prédécesseur l’a fait avant moi) reconnaître qu’il n’y a pas d’éléments qui confirment explicitement qu’il y a eu connaissance d’abus, ou que son départ de Franklin ait été lié à des abus. Néanmoins, cette absence de trace écrite ne signifie pas grand-chose. Dans d’autres dossiers, pour lesquels j’ai eu des témoignages oraux tant de la part de victimes que de jésuites contemporains, j’ai dû déplorer qu’il n’y ait pas non plus de traces écrites. Les comportements abusifs pouvaient à l’époque être gérés de manière orale. Les vraies raisons n’étaient parfois même peut-être jamais explicitement abordées. On ne peut que le déplorer, et je puis affirmer que nous faisons autrement aujourd’hui.
- Dans votre courrier du 20 août (en réponse à mon courriel du 16 août), vous évoquez les chiffres que nous avons communiqués le 3 juillet dernier (« 28 personnes mettant en cause 19 prêtres jésuites pour abus sexuels en France, dont 13 sur mineurs et 6 sur majeurs »). Je précise ces éléments : 13 prêtres jésuites ont été accusés par ces personnes pour des faits d’abus sur mineurs ; les 6 autres prêtres jésuites accusés, l’ont été pour des faits d’abus sexuels sur personnes majeures. Cela fait 19 jésuites, mis en cause par 28 personnes. J’espère que cela lève vos doutes sur ce que nous avons publié. Sachez que ces chiffres sont désormais dépassés : suite à notre communication dans la presse, dans nos médias et via les associations d’anciens élèves, plusieurs personnes nous ont contactés. D’autres personnes se sont sans doute adressées à la CIASE. Tous ces cas ne sont pas des affaires de pédo-criminalité : des personnes qui ont été abusées en tant qu’adultes, trouvent également le courage de s’exprimer.
Vous m’interrogez sur le périmètre des chiffres que nous avons publiés. Ils se rapportent à celui retenu par la CIASE : ils concernent les cas d’abus par des jésuites après 1950. Nous avons aussi reçu des témoignages qui incriminaient des collaborateurs laïcs qui travaillaient dans des institutions jésuites. Nous accueillons de la même façon les personnes qui nous contactent. Ces chiffres concernent enfin uniquement les situations qui nous ont été dénoncées directement.
- A cet égard, vous nous demandez, toujours dans votre courrier du 20 août, si nous attendons que les victimes avec lesquelles vous êtes en contact se manifestent directement à nous. Je vous renouvelle ma demande forte de mise en contact directe avec moi, avec notre cellule et/ou avec la CIASE. Nous ne pouvons malheureusement donner suite si nous n’avons qu’un témoignage indirect sans possibilité de contact avec la victime. Cela explique que les chiffres que nous avons communiqués ne reprennent pas tous les témoignages qui vous sont parvenus, mais bien ceux pour lesquels des victimes se sont adressées à nous.
- Vous évoquez, toujours dans votre message du 20 août, « votre impression d’une approche très administrative des victimes ». Si mon message précédent vous a donné cette impression je le regrette. J’ai tenté de répondre aussi objectivement que possible aux différentes questions que vous posiez. Notre souhait est en premier lieu d’accueillir et d’écouter du mieux que nous pouvons les personnes qui ont le courage de prendre contact avec nous. Nous gardons les témoignages et échanges, ainsi que les résultats de nos recherches, dans un souci de vérité sur ce qui s’est passé. Nous voulons aussi montrer aux victimes que nous prenons leur témoignage au sérieux et cette démarche nous permet de les recontacter quand d’autres personnes se manifestent. J’avoue toutefois que les attentes des victimes sont très différentes entre elles ; il n’y a donc pas de réponse unique.
- Je lis dans votre dernier message (du 19 octobre) votre scepticisme sur la sincérité de notre démarche, et croyez bien que je le regrette, sentant qu’il est peut-être illusoire que vous puissiez changer d’avis après tant d’années. Néanmoins, sachez qu’en tant qu’assistant du Provincial depuis 2017, je n’ai cessé de travailler à faciliter la mise en contact et l’accueil des victimes. Et la communication que nous avons menée en juillet poursuivait ce même objectif.
Je vous présente mes salutations distinguées,
Thierry Dobbelstein sj