au socius

24 août 2022

Mon frère,

je me permets, 6 mois plus tard, de vous recontacter

J'avais mis fin à notre conversation téléphonique puisque vous m'aviez répondu n'avoir plus rien de nouveau à me dire et que vous ne pouviez plus que répéter ce que vous m'aviez déjà dit, alors que, personnellement, je n'avais toujours pas l'impression que vous aviez réellement répondu à mes questions

L'autre chemin que vous évoquez, qui se présente maintenant à moi, est celui de la CRR que j'ai contactée, que j'ai vue, à qui j'ai exposé mes demandes, que je ne qualifierai pas d’« exigences » mais de simples demandes, et que je voudrais vous exposer à nouveau, car un jour ou l'autre la CRR cherchera à nous réunir pour nous aider à communiquer

Au préalable, je voudrais vous donner les informations suivantes :

- extrait du §0588 du rapport principal de la Ciase

« Toutefois, ce ratio mesure surtout le travail d’identification des victimes fait par l’Église pour chaque agresseur signalé. Il témoigne du fait qu’aucun travail d’enquête n’a été mené par l’Église à partir du dossier du prêtre ou du religieux signalé comme auteur de violences sexuelles, pour tenter de retrouver d’autres personnes qu’il aurait pu agresser. »

- le 13/04/2022, le Monde a publié un article, que je vous joins, où Antoine Garapon, Pdt de la CRR, déclare :

« La CRR s’efforce aussi de pousser les congrégations à se lancer dans une recherche très active des victimes »,

- le 08/07/2022 un message de François Boëdec

« Après avoir rencontré les deux victimes avec la direction du collège et celle de l’association des anciens, les jésuites ont demandé qu’un message du Provincial soit envoyé à l’ensemble des anciens élèves pour les informer de ces faits et les inviter à prendre contact avec leur cellule d’accueil et d’écoute ».

ce qui dit bien que, dans ce cas, une enquête approfondie a été menée, comme cela avait été fait en 2010 par Klaus Mertes sj, au collège de Berlin, et comme les jésuites, en la personne d’Yves Grenet, ont refusé de le faire, me concernant, toujours en 2010 .

Deux recommandations du rapport de la Ciase de 10/2021

Recommandation no 28 : Introduire un dispositif d’enquête de police systématique suivie d’un entretien des victimes de violences sexuelles avec un magistrat lorsque la prescription pénale est acquise.

Recommandation no 30 : Mettre en place, au sein de l’Église, un processus d’éclaircissement des accusations portées en matière de violences sexuelles, lorsque l’auteur est décédé ou l’action publique éteinte.

Et je vous repose une nouvelle fois les mêmes questions : avez-vous eu l'occasion d'appliquer ces recommandations ? comment avez-vous procédé ? quel résultat avez-vous eu ? pour être plus spécifique concernant la recommandation 28 avez-vous contacté la police ou un magistrat pour des prêtres âgés dont à priori les victimes étaient prescrites ? et si oui, quel a été le résultat des enquêtes de police ? en ce qui concerne la numéro 30 , avez-vous effectivement mis en place un processus d'éclaircissement des accusations de violences sexuelles et à cette fin et plus spécifiquement, avez-vous mené des enquêtes pour connaître le nombre de victimes de ces prêtres ?

Je ne remets pas du tout en cause votre engagement personnel, ni vos actions dans ce domaine ; depuis votre dernière lettre, j'ai eu un certain nombre de témoignages qui le confirme ; mais vous écrivez que j'ai des « exigences » que vous ne pourrez jamais satisfaire ; ma demande principale, vous l'avez sûrement compris, est que des enquêtes approfondies soient faites pour rechercher, pour atteindre, l'ensemble des victimes de chaque prêtre pédocriminel, et ne pas se contenter d'attendre que ces victimes se présentent spontanément vers vous ; et jusqu'à présent, je vous le confirme, j'ai vraiment l'impression que «cette démarche n'est pas votre problème»

Le 05/10/2021, lors de la présentation du rapport de la CIASE, Jean-Marc Sauvé à dit : « Il est plus difficile à une victime d’un pédocriminel, de parler que de sauter du 2e étage de la tour Eiffel » ; C’est un des éléments qui justifie l'extrême nécessité de la démarche évoquée ci-dessus

Le 26/03/2021, vous me disiez que vous ne publierez pas les noms des prêtres prédateurs, mais seulement les collèges concernés ; vous sembliez prêt à réexaminer cette question ? Ce que je vous demande ce jour. De par mon expérience, et celle de beaucoup d’autres, le nom du prédateur est un élément important pour encourager la victime à parler, car sinon, elle se croit unique victime du prédateur ! je cite cet extrait du livre « Prière de ne pas abuser » de Patrick Goujon SJ ; « La joie m’a saisi quand le nom de l’agresseur fut prononcé par un autre que moi : je n’avais pas déliré ; j’étais sauvé. »

Je vous transmets ci joint la liste nominative des jésuites pédocriminels de la province Ouest des jésuites des USA ; son niveau de détail m’impressionne

Il semblerait que des éléments juridiques vous retiennent pour faire de même en France ; je vous joint donc une analyse de « La jurisprudence française en matière de diffamation envers les défunts », qui établit clairement la prééminence du droit à la liberté d’expression sur le concept de diffamation, particulièrement lorsque la personne « diffamée » est décédée ;

Je ne saurais trop encourager vos démarches de prévention, afin que plus jamais ces faits ne se reproduisent ; mais je ne croirai en votre sincérité dans ce domaine que le jour où vous aurez effectivement fait le ménage, la lumière et la vérité, en toute transparence, sur tous les crimes pédocriminels commis dans votre congrégation depuis 1945