Frere Barbarin sur son livre: « En mon âme et conscience »

le 07/10/2020

jpmvallas1@gmail.com à l’attention du Cardinal Barbarin 

Mon frère,

Je m’appelle jean pierre Martin Vallas

j’ai été victime d’agression sexuelle de la part d’un prêtre jésuite il y a de nombreuses années, à l’âge de 8 ans.

Je viens de finir votre livre : « En mon âme et conscience » que j’ai pu acheter le jour de sa parution.

Avant de vous en parler, je voudrais vous expliquer cette appellation de frère ; le 12/04/20 je vous avais écrit à propos du titre classique de Monseigneur. Vous m’aviez répondu : « Au v. 9, "votre père", le seul, c'est Dieu le Père. Quand j'appelle mon père "papa", je sais bien qu'il est mon frère en humanité et que nous n'avons qu'un seul Père -le même-lui et moi, comme tous les hommes. Je l'appelle "papa" parce que Dieu s'est servi de lui pour me donner la vie. Je ne peux donc appeler un prêtre "Mon Père" que de la même façon. » Vous vous autorisez donc à vous faire appeler « mon père » alors que ce V9 dit explicitement : « Et n'appelez personne sur la terre votre père, car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. » J’avoue avoir du mal à vous suivre. Et c’est très grave car ces prêtres abuseurs se servent de cette autorité de « père » pour violer les enfants au nom de ce même père, parfois pendant la confession !

Page 64

vous écrivez : « Coupable ? De quoi parle-t-on ? Ils étaient nombreux à savoir, dans la paroisse, dans le quartier, dans les familles, et depuis longtemps » A la fin de votre livre j’ai eu le sentiment, que vous n’étiez pas coupable, mais victime. Et effectivement vous dites avoir traversé des épreuves horribles .

Permettez moi de faire une digression sur la Shoah. Une nation, un peuple a acclamé sincèrement un dictateur, elle l’a porté au pouvoir et l’a soutenu. Puis les allemands ont vu et entendus les trains de marchandises passer, chargés de juifs, de roms… les trains s’arrêtaient en gare plusieurs heures sinon jours ; arrivés au camp ce « bétail » sortait puis disparaissait, seule une forte odeur de crémation flottait dans la ville. Mais à la fin de la guerre, nul ne savait, personne n’avait rien vu, rien su, c’était l’amnésie totale ! Je pense que beaucoup, beaucoup, étaient coupables de complicité, de non dénonciation de crimes, mais seuls quelques hauts responsables ont été jugés. Et grâce à Dieu, après ces jugements réparateurs, les peuples et les nations se sont réconciliés. Mon sentiment est que comme beaucoup de cette époque, vous êtes coupable de n’avoir rien vu, rien su, rien dit pour le père Preynat. Vous avez été jugé, condamné , puis innocenté, et il reste la cassation. Vous avez beaucoup souffert, comme ces grands criminels nazis, mais cela ne faisait pas d’eux des victimes ! Loin de moi de mettre sur le même plan leurs crimes et celui pour lequel vous avez été jugé. Je ne m’attache qu’au mécanisme de la culpabilité.

Page 66

vous écrivez : « Certes, la justice a reconnu que je suis innocent » J’ai eu l’occasion de discuter de ce point en Janvier 2017 avec Pierre Durieux , votre secrétaire à l’époque. Il m’avait transmis le jugement de la cour d’appel de Lyon du 01/08/2016. Ce jugement ne fait que déclarer sans suite la plainte vous concernant, elle ne vous innocente pas. Par ailleurs elle s’appuie très largement sur la notion de prescription pour prendre sa décision, et pas beaucoup sur le fond de l’affaire. Pierre Durieux en avait convenu avec moi !

Page 68

vous écrivez : « Un prêtre a accepté de garder le lien avec lui, de le rencontrer régulièrement pour faire le point sur sa santé, sa vie quotidienne, pour l’écoute » J’admire ce prêtre qui a accepté une charge à contre courant de l’opinion publique. L’Église a prononcé l’exclusion de l’état clérical Mr Preynat ; Est ce vraiment une bonne solution que de rejeter les criminels qu’on a laissé en toute connaissance de cause continuer leurs crimes ? Et ses victimes, est ce que l’Église s’en est occupées ?

Page 69

vous écrivez : « Quand c’est dans l’Éducation nationale, on ne demande pas la démission du ministre ou du recteur ».Comme trop de clercs, vous ne faites plus la différence entre un clerc et un laïc quand cela vous arrange ! Pour un chrétien , les crimes de ces prêtres abuseurs ont une dimension infiniment plus grande que ceux d’un laïc: la dimension divine ; et cela, vous l’avez bien compris. Et il en va de même pour ceux qui savaient sans savoir, et voyaient sans voir, les responsables de ces prêtres.

Page 72

vous écrivez : « C’est pourquoi j’ai demandé au pape que soit levée la prescription dans le cas de Bernard Preynat. »

Je vous rappelle ce mail que je vous ais adressé le 20/02/2017 et que je reproduit in extenso

Monseigneur ,

le 18/11/2016, vous avez célébré une messe de réparation à l’intention des victimes de prêtres pédophiles, dont je suis.

Le 21/11, je vous adressai une lettre ouverte à ce propos, lettre qui m’a permis un certain dialogue, écrit et oral avec Mr Durieux, votre chef de cabinet.

Je lui ai alors suggéré, mi janvier, que vous preniez un engagement ferme et public en faveur de la suppression des délais de prescription pour les actes de pédophilie .

Il m’a dit qu’il vous transmettait le message.

Lors de cette même messe du 18/11, vous avez dit, et je vous cite :

« Je vais maintenant me mettre à genoux devant la croix du Seigneur, comme j’aimerai me mettre à genoux devant chacune des victimes »

Je ne vous en demande pas tant.

Je vous demande juste une réponse à ma proposition.

Cordialement

JP Martin Vallas

Vous n’avez ni répondu, ni bougé le petit doigt en faveur de la levée de la prescription des crimes pédo-criminels qui était alors en discussion à l’assemblée nationale. Pourquoi lever la prescription pour Mr Preynat, et pas pour les victimes ?

Vous ajoutez : « elle ne portera son fruit intérieur que si le coupable fait ce qui lui est légitimement demandé. » Ce fruit relève du royaume de Dieu, mais la victime, elle vit sur la terre, et elle attend réparation .

page 75

Vous citez Jean (20,23) « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus »

Qu’est ce qui vous empêche de refuser l’absolution tant qu’il n’y aura pas eu réparation envers les victimes?

-page 94

Vous écrivez : « Il existe certainement aussi un bon nombre d’adultes, des pères et des mères qui sont restés prisonniers des conventions d’une époque, d’un milieu social. Avec l’idée qu’ils se faisaient – ou que peut-être on leur avait enseignée – de ce qui doit se dire ou ne pas se dire, de l’obéissance et du respect qu’on doit avoir à l’égard des prêtres… »

Vous, les clercs, nous avez seriné depuis notre naissance qu’un prêtre était personne consacrée et donc sacrée ; vous nous avez dit beaucoup d’autres choses à propos de Dieu , du Christ et du St Esprit qui étaient vraies ; ne nous reprochez pas de vous avoir cru pour le premier point.

-page 94

vous citez le livre : « La Petite Fille sur la banquise », je vous en remercie, je l’ai lu et apprécié.

- page125

vous écrivez : « S’il faut que j’en prenne encore « plein la figure » et que je constate que malgré ma relaxe en 2020, certains continuent de faire des amalgames, refusant de prendre connaissance de la vérité des faits, ce n’est pas une grande affaire. C’est déjà arrivé à Jésus et à tant de ses disciples après lui. Il porte tous les péchés du monde, je peux bien porter le poids des péchés de l’un de mes frères qui a trahi sa mission… et même la lâcheté de certains qui, sans chercher à obtenir des informations précises, m’ont abandonné aux vautours, sans vergogne et sans scrupule, avec force livres, pétitions et interviews »

Est ce qu’en vous victimisant comme vous le faites, vous ne rejetez pas ce poids sur vos agresseurs, et vous ne portez plus rien ?

- page 130

Vous écrivez : « Aujourd’hui, à écouter le discours ambiant, on croirait que seuls les prêtres sont pédophiles »

Non, tout le monde sait que la très grande majorité des pédo-criminels sont des laïques qui sévissent dans le cadre familial, et très souvent avec la complicité de certains de ses membres. Mais encore une fois , vous avez sacrez les prêtres et de ce fait, leurs crimes sont démesurément plus grands. C’est ce que vous dites vous même à la page 132 :

Mais chez un prêtre, il faut le reconnaître, l’abus nous scandalise davantage. Cette personne aurait dû aider l’enfant à découvrir Dieu, à avancer sur le chemin de la vie spirituelle. Mais quand on profite d’une autorité spirituelle pour blesser quelqu’un et, pire encore, un enfant, cela est doublement monstrueux. Cet adulte est aimé de l’enfant parce qu’il voit bien la confiance que ses parents lui témoignent. Il indique un chemin de lumière, ouvre à la prière, à la pratique des sacrements, à la lecture de la Bible qu’il commente devant tout le monde… et en même temps, il plonge l’enfant dans un univers de ténèbres, un effroi intérieur, un état de sidération… pour toute sa vie 

-page 159

Vous écrivez : « Qui est capable de lancer une grande enquête sur la pédophilie depuis 1950 comme le fait l’Église de France, avec la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) ? Un jour, ce rôle précurseur sera reconnu »

Là, je suis désolé, mais vous faites un peu plus qu’ exagérer. Je vous fait un point très rapide et simple à partir de wikipedia.

Allemagne- En un an, plus de 180 000 fidèles quittent l’Église outre-Rhin. La conférence épiscopale met alors sur pied un vaste plan d’action, qui prévoit notamment l’ouverture des archives de ses 27 diocèses. Le contrat signé entre le KFN et l’association des diocèses allemands à l’été 2011 autorise l’accès aux archives de neuf diocèses depuis 1945, et des 18 autres depuis 2000.

Canada-En 2019, l'archidiocèse de Montréal a mandaté la juge à la retraite Anne-Marie Trahan pour qu'elle dresse une liste des prêtres pédophiles

Belgique ;  En 2000, la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale est instaurée pour assister les victimes qui se font connaître . Le rapport de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale est rendu public par son président Peter Adriaenssens, le 10 septembre 2014

Pays-Bas : les évêques décident, le 9 mars 2010, d'ouvrir une enquête approfondie en raison du nombre de cas d'abus signalés dans d'anciens établissements catholiques d'enseignement.

Autriche ; Fin août 2010, la Commission consultative épiscopale annonce avoir reçu, depuis mars 2010, neuf cents signalements d'abus supposés commis par des membres du clergé depuis 1945. En décembre 2010, Wim Deetman donne les résultats de l'enquête : 1 975 personnes se sont déclarées victimes d'abus sexuels et de mauvais traitements. Ces témoignages doivent encore être étudiés et vérifiés par la commission chargée de l'enquête

Suisse : En juin 2010, la commission Abus sexuels dans la pastorale donne une estimation des cas d'abus sexuels observés dans les différents diocèses en Suisse. Ces soixante dernières années, 104 victimes ont été signalées. Le nombre des auteurs de ces abus est de 72.

Pologne : Le rapport de la fondation polonaise de victimes de prêtres pédophiles N’ayez pas peur, est rendu public et nomme vingt-quatre hiérarques polonais qui auraient couvert des prêtres pédophiles. ...Peu après, la conférence épiscopale polonaise publie rapport sur la pédophilie dans l’Eglise en Pologne, qui ne convainc les associations et l’opinion publique ni sur le fond ni dans la forme.

Irlande : Le 8 mars 2006, Diarmuid Martin, archevêque de Dublin, annonce les résultats d'une enquête indépendante menée dans son diocèse. Les dossiers de plus de 2 800 membres du clergé de l'archidiocèse ont été examinés. Plus de cent prêtres et membres d'ordres religieux de son archidiocèse ont été accusés d'abus sexuels contre des enfants depuis 1940.

Cordialement

Jean-Pierre Martin-Vallas

P.S. cette lettre est publiée sur mon blog franklin2.canalblog .com ; votre éventuelle réponse le sera aussi ; en effet depuis dix ans je me bats contre l’Omerta des jésuites, et maintenant contre celle de l’Église, et je considère que ma seule arme contre l’omerta est la publication.