TEMOIGNAGE 13 anonyme, suite
Bonjour Jean-Pierre,
Je réponds à votre question.
Après la chose, j'ai mis tout ça en mémoire à long terme et je suis passé à autre chose : les tournantes. J'étais nul en ping-pong sauf en tournante.
Le souvenir m'est revenu plus tard, sans doute avec la puberté. Surtout le coup de la saucisse de Morteau. Ais-je été perturbé dans ma maturation sexuelle ? Je n'ai eu d'intérêt que pour le sexe opposé, aucune amitié particulière ou tentation. Je n'ai eu d'attirance que pour les femmes sexuellement épanouies. Ma vie d'adolescent et de jeune adulte consista à en chercher. Sans aucun succès puisque j'habitais Neuilly.
Ce n'est qu'un peu avant l'apparition du sida que ma vie sexuelle connut son envol.
Ainsi libéré, j'ai pu raconter l'affaire Lalande, à mes maîtresses d'abord, puis au tout venant. C'était à un dîner. Que des gens biens, catholiques pratiquants, dont un ancien de Franklin. Après la deuxième bouteille, mon histoire est venue tout simplement dans la conversation. J'ai tout raconté.
Hilarité générale ! Plaisanteries et jeux de mots fusèrent de toute la tablée. Notre hôtesse, déchaînée, hurlait : « Il aurait du s'appeler le père La Langue ! » ! Eclat de rire collectif avant de passer à la Charlotte aux fraises dans cette joyeuse ambiance.
J'ai alors été invité partout, que je raconte le père La Langue, qu'on rigole un bon coup. Je m'en suis vite lassé.
Le coup de la saucisse de Morteau, je l'ai aussi raconté. D'abord à mes maîtresses, une centaine de personnes tout au plus, puis, entre copains, pour rigoler.
Et à mes parents.
C'était à la campagne, un déjeuner de dimanche. Pour mon trentième anniversaire, Maman avait fait une canette avec des pommes caramélisées et Papa avait ouvert un bon Bordeaux. Papa et Maman sont très conservateurs et sensibles aux marques de distinction. C'était l'ère Reagan, le libéralisme, la sociobiologie... On parlait de Franklin justement. « Ah, oui, parlons en de Franklin ! L'école de l'élite ! Les 100 % au bac ! Les prêtres pédophiles ! ». Eclat de rire général. Maman pouffe d'une si grosse bêtise : « Tu ne sais plus quoi inventer mon pauvre Kiki ! ». Mais non Maman : fellation, tentative de pénétration orale et anale. Papa s'étrangle, Maman repouffe de rire: « N'importe quoi mon pauvre chéri ! ».
Je ne sais pas si Maman connaissait ces choses, mais elle n'en connaissait pas les mots. « Une fécation ! A Franklin ! Et l'autre la solomisation... Et pourquoi pas avec le Pape pendant que tu y es ? Elle est bonne celle là ! ».
Ils ne m'ont jamais cru et on n'en a jamais plus parlé.
Voilà.