TEMOIGNAGE 18 etEVICTION 8
Cher Condisciple,
ayant lu l'article du Journal Le Monde du 21 avril 2016, je puis vous faire part de mon témoignage. Né en 1939, entré au Petit Franklin en 1945, j'ai fait la connaissance du P. Lamande sans doute en classe de 8ème ou 7ème. J'ai souvent participé avec plaisir aux excursions qu'il organisait, je servais sa messe du matin probablement une fois par semaine. Il me séduisait en me témoignant des marques d'affection décrites dans d'autres témoignages, me serrant contre lui, me disant que j'étais son "dessert", et me donnant des dépliants touristiques dont un tiroir de son bureau était rempli, me donnant le sentiment valorisant pour un enfant d'être exceptionnel et adulé, jusqu'au jour où, au motif que, étant dépenaillé après la récréation, il m'a déshabillé dans son bureau pour me rhabiller correctement, dit-il, avant de me rendre dans la salle de classe. Que s'est-il passé au juste? Attouchements ou non? Impossible à dire dans la mesure où la censure, la honte et le refoulement ont pu jouer… ou encore qu'il se soit dominé. Je me méfie de la mémoire d'un enfant - dans les deux sens. Mais le déshabillage complet ne fait aucun doute. A la suite de cet incident ou peut-être de l'accumulation de ses entreprises dérangeantes, mon malaise a été tel que j'ai refusé de me joindre aux sorties qu'il organisait. Ma mère, un peu surprise par ce revirement, m'a dit "mais pourquoi? Il t'aime tellement". Mais elle n'a pas insisté et les choses en sont restées là.
Dans les années 1970 ou 80, ma mère m'a fait part spontanément de la mise à l'écart du P. Lamande. Il s'agissait, me dit-elle, d'une sanction et d'une mesure de précaution pour éviter tout nouvel incident. Elle n'a bien évidemment pas prononcé le mot de "pédophilie", mais a clairement désigné la chose. La rumeur était suffisamment répandue pour être parvenue à ses oreilles. Il est donc très improbable que les autorités de la Compagnie de Jésus ait tout ignoré des faits. C'est invraisemblable.
Ai-je mal vécu cette affaire? Difficile à dire. C'était, me semble-t-il rétrospectivement, une épreuve de plus, ni plus ni moins désagréable que les coups de règle sur les doigts, les heures d'études sous la lampe à acétylène qui puait, et qui faisaient le quotidien du "Petit collège" de la rue Louis David dont je garde un mauvais souvenir. Je suis passé au grand collège que j'ai quitté en 4ème pour le Lycée Janson de Sailly. Le cousin germain de ma mère, le P. Durant-Viel SJ, l'avait convaincu que je n'étais pas fait pour Franklin…